jeudi 21 septembre 2017

De si parfaites épouses

4 de couv' :
Detroit, 1958, fin du mois de juin. Dans le quartier blanc d'Alder Avenue, l'atmosphère est pesante, l'air chargé de menaces. Les grandes usines où tous les hommes sont employés commencent à fermer et, plus inquiétant encore, des gens de couleur s'installent dans le quartier. Dans leurs maisons proprettes aux rideaux parfaitement tendus et aux pelouses bien entretenues, les femmes s'observent et se méfient. Parmi elles, il y a Julia qui doit veiller sur ses jumelles de dix ans pendant les vacances, son amie Grace, enceinte de huit mois, leur voisine Malina, toujours impeccable, qui donne le ton des discussions et orchestre d'une main de maître la vente de charité de la paroisse de Saint Alban's, et puis il y a Elisabeth, la jeune fille un peu attardée, qui vit avec son vieux père. Tous les jours, les hommes rentrent crasseux de l'usine, et tous les jours, leurs épouses les attendent sagement à la maison. Mais un après-midi, Elisabeth disparaît. Alors que les hommes quadrillent le quartier dans l'espoir de la retrouver, la tension monte. Julia et Grace sont les dernières à avoir vu Elisabeth. Y a-t-il un lien avec le meurtre récent d'une jeune femme noire dans l'entrepôt à côté de l'usine ? Pour les parfaites épouses d'Adler Avenue, le mal a bien pris ses racines dans leur petit paradis.


Honnêtement, je m'attendais à mieux et c'est entièrement de ma faute !
Je m'étais focalisée à tort sur l'idée que ce roman serait un polar intéressant, mais il s'agit ici surtout d'une peinture de la société féminine américaine à la fin des années cinquante. Qui plus est donc, sur fond de ségrégation dans le Sud des Etats-Unis.
Je pense que ces portrait de femmes et le poids de la société dans laquelle elles vivent sont très réalistes, ce qui pour une femme de mon époque est franchement insupportable. De ce point de vue, c'est une reconstitution historique franchement réussie : ces femmes sont enfermées dans le rôle de parfaites épouses dont la seule ambition dans la vie est de satisfaire leur homme, qui lorsqu'il rentre chez lui ne doit être confronté à aucun souci d'aucune sorte.

Et c'est bien là le drame : aucune n'est pleinement épanouie en tant que femme, là où tout n'est qu'apparence. L'une est mariée à un homme brutal, mais doit jouer la comédie de la parfaite épouse épanouie, une autre a perdu son enfant et est persuadée que les autres ne voient en elle qu'une mauvaise mère (et de surcroît, malgré ses efforts, de ne pas réussir aussi parfaitement qu'elles à être tirée à quatre épingles), une troisième, enceinte, sur les conseils et le poids de l'éducation de sa mère, s'efforce d'éviter tout souci à son mari, quitte à lui cacher que...
Condition féminine qui se retourne contre les hommes aussi comme on peut le voir sur le personnage d'un des anciens du quartier : son épouse décédée depuis un an, il est dépendant de la charité des autres femmes du quartier ne serait-ce que pour s'alimenter. Pour le linge et le ménage, n'en parlons pas.

Mais on sent le vent tourner : il est des situations qui à force de trop durer, demandent des changements, et de contourner ou braver les interdits...

De ce point de vue, ce roman est une belle réussite.
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mardi 19 septembre 2017

Crépuscule du tourment

4 de couv' :
De nos jours, quelques part en Afrique subsaharienne, au Cameroun peut-être, quatre femmes s'adressent successivement au même homme : sa mère, la femme à laquelle il a tourné le dos parce qu'il l'aimait trop et mal, celle qui partage sa vie parce qu'il n'en est pas épris, sa soeur enfin.
A celui qui ne les entend pas, toutes dévoilent leur vie intime, relatant parfois les mêmes épisodes d'un point de vue différent. Chacune fait entendre un phrasé particulier, une culture et une sensibilité propres. Elles ont en commun, néanmoins, une blessure secrète : une ascendance inavouable, un tourment identitaire reçu en héritage, une difficulté à habiter leur féminité... Les épiphanies de la sexualité côtoient, dans leurs récits, des propos sur la grande histoire qui, sans cesse, se glisse dans la petite.
D'une magnifique sensualité, ce roman choral, porté par une langue sculptée en orfèvre, restitue un monde d'autant plus mystérieux qu'il nous est étranger... et d'autant plus familier qu'il est universel.


Il y a tant à dire sur ce magnifique roman, cette magnifique écriture : je commence par quoi ????

Ces quatre voix, déjà : quatre manières d'écrire, chaque personnalité prenant possession du style de l'auteur. Quatre vécus de la même histoire, qui se recoupent, se complètent, apportent un nouveau relief aux personnages précédents.
Quatre magnifiques portraits de femmes, qui ont toutes souffert à leur façon mais ont toutes réussi, chacune à sa façon, de vivre au moins en partie la vie dont elles voulaient.
Et en dehors de ces quatre femmes, cet homme qui est au centre du roman et à qui l'auteur n'a pas donné de voix (seulement dans le deuxième tome que je m'apprête à lire), et d'autres femmes, essentielles et déterminantes dans la vie de chacune.
Je vous épargne le blabla sur la condition féminine dans ce pays d'Afrique, sujet subtilement distillé au travers de ces quatre portraits.

Un beau roman, vraiment.
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dimanche 17 septembre 2017

Fin de ronde

4 de couv' :
Dans la chambre 217 de l'hôpital Kiner Mémorial, Brady Hartsfield, alias Mr Mercedes, gît dans un état végétatif depuis sept ans, soumis aux expérimentations du docteur Babineau.
Mais derrière son rictus douloureux et son regard fixe, Brady est bien vivant. Et capable de commettre un nouveau carnage sans même quitter son lit. Sa première pensée est pour Bill Hodges, son plus vieil ennemi...

Ce dernier volet de la trilogie m'a franchement déçue. J'aimais l'idée que Stephen King se lance dans le (bon) polar, et voici que contrairement aux deux autres tomes, il replonge définitivement dans le fantastique. Avec cette surdose insupportable dans les romans d'aujourd'hui dans les technologies modernes qui me donnent la détestable impression que ce sont elles qui prennent le pas sur l'humain. A moins que ce ne soit justement voulu par l'auteur.

Soit, l'aspect fantastique était présent dans le tome précédent, dont la fin annonçait la place qu'il prendrait dans celui-ci. Mais non j'insiste, j'aurais souhaité moins de fantastique, plus de vrai polar.
Mais c'est du King, hein, donc haletant jusqu'au bout.
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vendredi 15 septembre 2017

Au commencement était la vie

4 de couv' :
Kathleen a onze ans. Sa mère vient de les quitter pour disparaître à jamais. Son père, dans une crise de démence alcoolique, a battu à mort sa soeur Nola et a blessé si grièvement la petite Kathleen qu'elle doit être hospitalisée.
Un mois d'hôpital avant l'Assistance publique. Un mois vécu comme un rêve interrompu.
Ce rêve, elle croit le reprendre en devenant infirmière et pense trouver le bonheur dans l'amour qu'elle voue à un médecin.
Mais le destin, dans une implacable et infernale logique, va la ramener au commencement de sa vie marquée par l'abandon et la mort.
Un des romans les plus poignants de la grande romancière américaine.


Je ne sais pas ce que j'ai avec cette auteure. Je me sens avec elle comme un papillon de nuit attiré par la flamme qui va le brûler : je n'aime pas complètement, je ne déteste pas complètement, mais j'y reviens toujours quoiqu'il arrive. Il s'agit de sortir de ma zone de confort littéraire, je pense.

Une impression de malaise, c'est ce qui prédomine ici. En dehors de la passivité décidément agaçante des personnages de Joyce Carol Oates, on ne peut pas dire que cette Kathleen, même en prenant en compte son passé, soit tout à fait normale. Inquiétante, intrigante malgré ce qu'elle laisse deviner d'elle à autrui. Je ne sais si l'auteure a voulu montrer par ce biais que quelqu'un démarrant ainsi dans la vie a socialement peu de chance d'être épanouie, que lorsque les cartes sont faussées dès le départ, le reste de la vie de cette personne l'est aussi. Mais la fin du roman, que je trouve franchement invraisemblable dans l'acte commis, m'a laissé un sentiment d'écoeurement.

Mais je sais déjà que je retournerai vers cette auteure. Cette façon de distiller le vécu (passif ou non) de ses personnages a quelques chose de fascinant...
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mercredi 13 septembre 2017

Sur l'épaule de l'ange

Pas de 4 de couv' !


Charmant recueil de courts poèmes beaucoup centré sur la famille (mais pas que), une bouffée d'air frais et une chouette interlude dans mes lectures du moment.
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lundi 11 septembre 2017

Chroniques radio, l'intégrale

4 de couv' :
"Humoriste, ça devient de plus en plus compliqué. Il faut faire attention à tout, peser chaque mot. Si ça continue, c'est un métier qui va disparaître... comme maréchal-ferrant, il n'y en aura plus !"
Cet ouvrage rassemble les chroniques radio (2008-2010) de Stéphane Guillon publiées dans "On m'a demandé de vous calmer" et "On m'a demandé de vous virer".


Lecture salutaire ! Alors oui, Stéphane Guillon on l'aime ou ne l'aime pas, c'est le poil à gratter du PAF, il manque parfois atrocement de subtilité, mais voilà, des comme lui, ça manque cruellement de nos jours.
Parce que des humoristes qui jouent les fous du roi, il n'y en a quasi plus à présent. Depuis Coluche et Desproges, dites-moi lesquels se démarquent du lot. Pire, y-a-t'il à présent autre chose que des humoristes, talentueux certes pour une bonne majorité, qui parlent d'autre chose que la vie quotidienne (vie de couple, enfants) et auraient une vision politique autre que superficielle (la plupart se contentant au mieux de petites piques plus ou moins allusives à une anecdote du moment).

Vous me direz : "oui enfin, bon, 2008 c'est loin, presque 10 ans déjà". Et bien détrompez-vous, je dirai moi "que" 10 ans. Malheureusement, il n'y a eu guère d'évolution en politique sur cette dernière décennie et si les protagonistes et les évènements de l'actualité évoqués dans ce livre se sont déplacés sur d'autres personnalités politiques et d'autres pays - et ajoutez à cela que nous savons décidément tous une mémoire à court terme - je ne vois pas beaucoup de changements entre 2008 et 2017.

En plus, j'ai lu ce livre en pleine campagne présidentielle, de quoi vous motiver davantage (ou pas, selon les caractères) pour ne pas bouder les urnes.

Salutaire, je vous dit !
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dimanche 10 septembre 2017

Spin

4 de couv' :
La vie de Tyler Dupree est inextricablement liée à celle des jumeaux Lawton, Diane et Jason. Ils étaient ensemble la nuit où la Terre a été coupée du reste de l'univers par une mystérieuse barrière opaque à l'extérieur de laquelle le temps s'écoule des millions de fois plus vite. Il ne reste donc plus que quelques décennies avant que le Soleil ne transforme la Terre en une boule de feu, exterminant ainsi l'humanité. Jason n'a alors plus qu'un but dans la vie : comprendre pourquoi et par qui la barrière a été installée.


Troisième commande Kube pour laquelle ma demande était : "un classique récent ou ancien de science-fiction, genre que je connais assez peu".
Il m'a d'abord été proposé Fondation de Asimov, que j'ai refusé car je l'ai à la maison (note pour plus tard : les piquer à mon homme et enfin les lire !).
C'est donc avec impatience que j'ai attendu ma Kube ne sachant cette fois ce qui me serait envoyé.

Je l'ai dévoré. J'ai tellement aimé que j'ai acheté les deux autres tomes dès le premier fini, poursuivant cette lecture avec un réel bonheur.
Déjà, j'aime assez les romans et films post apocalyptiques, bien qu'ici l'apocalypse n'ait pas encore eu lieu, que les humains la savent imminente, et font tout pour trouver une solution. Au-delà de cela, cette catastrophe annoncée apporte des bouleversements dans les mentalités, les croyances, le rapport à l'autre. Comme souvent avec la science-fiction, l'aspect sociologique et certaines questions philosophiques, politiques, économiques sont abordées. Et écologiques aussi qui est semble-t-il l'un des sujets de prédilection de l'auteur.

Les personnages centraux, qui disparaissent dès le second tome, reflètent bien cette nouvelle société : l'un va tout mettre en oeuvre pour trouver des solutions et continuer d'avancer coûte que coûte, le second va, comme la majorité de la population, poursuivre sa vie mais sans se projeter dans le futur puisque ce dernier est vouer à ne jamais arriver. La troisième, elle, va se réfugier dans une de ces nouvelles religions qui vont apparaître.
On va les suivre au fil des décennies, les voir évoluer au fil du temps et des découvertes.

Je ne peux hélas pas en dire plus sans en dire trop, mais le succès de ce roman tient au fait que l'auteur a effectivement bien réfléchi aux conséquences de son postulat de départ.

Des deux autres tomes, je ne dirai rien car ce serait dire tout. Juste que les personnages principaux du premier tome disparaissent du deuxième, que l'on se retrouve plusieurs décennies après eux, et que si dans le troisième on retrouve deux des personnages du deuxième, là encore le contexte est absolument différent. Chaque tome est très différent des deux autres, et c'est bien ce qui fait tout son intérêt aussi.

Le point commun des trois : l'évolution des sociétés humaines quand il n'y a guère d'avenir ou d'espoir. Bien pensé, original, intrigant, dérangeant parfois.

Vraiment, encore merci à l'équipe de La Dimension Fantastique !
(et désolée de ne pas avoir acheté les tomes 2 et 3 chez vous, mais j'avais reçu à Noël un bon cadeau dans ma librairie préférée...).

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samedi 9 septembre 2017

Zoli

4 de couv' :
Chanteuse et poétesse rom à la voix de feu, Zoli fascine ceux qui l'approchent mais reste insaisissable. Adulée avant de devenir paria, bannie par son peuple, elle paiera cette liberté au prix fort... Des années trente à nos jours, le voyage sans retour de Zoli à travers l'Europe est un étourdissant tourbillon de musique, d'amour et de trahison au coeur de l'âme tzigane.


Deuxième commande Kube !
Ma demande : Nomades, Tziganes, roms et autres "non gadjés".
Je dois avouer que j'ai hésité à valider cette proposition, espérant plutôt un roman méconnu que celui-ci, auquel je ne m'étais pas intéressée à sa sortie au prétexte que je craignais qu'il tombe dans la caricature de ce peuple, malgré le renom de l'auteur (dont au passage je n'avais jamais rien lu jusqu'ici).

Et ô combien j'aurais eu tort de refuser cette proposition.

L'auteur évite totalement la caricature, tout en s'intéressant au sort des roms des pays de l'Est (ici, la Tchécoslovaquie) avant et pendant la guerre froide, et en particulier à la propagande d'une dictature et ses conséquences. Et à la vie sous une dictature puis une autre.

C'est aussi un beau portrait d'un peuple et d'une femme, pleins de fierté, de dignité et de volonté.

Sur la construction du roman : les différentes parties, si elles se déroulent bien sur les mêmes époques, se basent chacune sur la narration des uns et des autres (perturbant quand à la deuxième partie (la troisième en comptant le prologue) on croit redémarrer avec Zoli, alors qu'il s'agit d'un tout nouveau personnage dont le destin va croiser celui de Zoli).
Intéressant de suivre ensuite la même histoire selon ces deux vécus.

Une belle réussite, vraiment.


Et une belle réussite encore sur cette commande Kube. Un grand merci à Maïté de la librairie Le Roi Livre !
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