samedi 7 juillet 2012

A corps éperdu

4 de couv' :
De 13 à 87 ans, âge de sa mort, le narrateur a tenu le journal de son corps. Nous qui nous sentons si seuls dans le nôtre nous découvrons peu à peu que ce jardin secret est territoire commun. Tout ce que nous taisons est là, noir sur blanc, et ce qui nous faisait si peur devient matière à rire.


Je dois bien l'avouer, quand j'ai su le titre et le sujet du dernier roman de Daniel Pennac, j'étais un peu perplexe. Certes, je connais maintenant assez bien les écrits de Daniel Pennac, sa verve et la capacité d'imagination qui lui est propre pour savoir qu'on peut lui faire confiance et que ce dernier ouvrage devrait se révéler aussi passionnant que les autres. Mais subsistait un doute quand même : un journal centré autour d'un seul et même thème ne risque-t-il pas de finalement tourner en rond et se répéter jusqu'à la lassitude du lecteur ?

Et bien non !
La prouesse ici est que non seulement le narrateur décrit l'évolution de son corps, ses perceptions et ses différents désagréments au fil des âges, mais qu'en découle de ce journal toute sa vie et là, on ne parle plus de son corps.
Qui plus est, c'est l'analyse et les perceptions du corps humain qui l'intéressent : non seulement le sien, mais celui de son entourage. C'est un journal intime via le prisme du corps humain. Bien que le narrateur s'en défende et ait cette idée de journal intime en horreur et de fait on est loin du journal intime classique, d'autant que s'il en est finalement dit beaucoup sur sa vie, beaucoup est occulté aussi.

A coup d'anecdotes et de pensées personnelles, on suit donc la vie du narrateur en suivant l'évolution de son corps, et tout y passe : modelage du corps,  accidents, maladies, sexualité (et là aussi, tout y passe, de l'onanisme  à la première fois, puis les nombreuses et multiples suivantes, en passant par la fellation. J'ai même à un moment soupçonné l'auteur d'avoir choisi ce thème pour placer dans ce roman le plus de scènes de cul possible, plus en tout cas que dans n'importe lequel de ses romans. Vous excitez pas, ça se calme vers la cinquantaine), les effets secondaires de l'esprit sur le corps, les petits plaisirs (donc non sexuels) procurées par le corps, l'analyse du pourquoi et du comment des sensations éprouvées et je suis sure d'en oublier.

Et à travers tout cela, sa vie. Ses joies d'adolescent, sa famille, ses amis, son coup de foudre pour sa femme, son amour pour ses enfants et petits-enfants, ses goûts culturels, son travail, son caractère tout cela finit par transparaître progressivement, nous donnant un charmant tableau d'ensemble. Et bien sûr jubilatoire, comme toujours chez Pennac.

Ah oui, petite satisfaction personnelle qui n'intéresse que moi : l'une des assistantes ou secrétaires du narrateur porte mon prénom. C'est déjà rare de trouver un personnage de roman (ou autre, d'ailleurs) s'appelant Sabine, mais si en plus on fait le même métier, mon imagination poussée par mon ego a eu vite fait de le prendre pour une dédicace personnelle (ouais, oh, on peut rêver !).

Et pour les fans de Daniel Pennac qui comme moi en découvrant le sujet du roman se sont dit "ah, ah ! Mais cela a été abordé dans un des romans de la saga Malaussène ! Ce peut-il qu'il s'agisse de cela ? Que Daniel Pennac ait souhaité revenir sur ce personnage-là ?"
A ceci près que dans ce roman-là, il s'agissait d'un film, non d'un écrit. La même idée, mais (ô bonne idée !) retravaillée différemment.
Et non, il ne s'agit pas du même personnage, du tout.
Et oui, Daniel Pennac y fait allusion par un clin d'oeil à la saga Malaussène dès la première page. Vous connaissez maintenant son humour, pour ne pas dire sa facétie...

J'ai quand même fermé le livre avec la larme à l'oeil à la lecture de la dernière phrase. Parce que quelque part, un "vieil" ami nous quittait et parce qu'il nous quitte sur un élément de son enfance, sa façon si particulière de vaincre ses peurs. Et que de fait, ainsi, la boucle (de sa vie) est bouclée.



Et maintenant, la prochaine personne qui va emprunter ce livre à la bibliothèque va pouvoir me remercier de penser à elle, car j'y retourne rendre le livre de ce pas. Et vu le temps pourri qu'on a depuis ce matin (cette nuit ?), oui, vraiment, elle peut me remercier !
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